Cadre politique des maladies professionnelles

1. Introduction

À la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (WSIB), le Cadre politique des maladies professionnelles sert de base à l’élaboration des politiques sur les maladies professionnelles. Il aide la WSIB à établir les maladies professionnelles ainsi qu’à les reconnaître dans les règlements et les politiques1. Il illustre l’engagement de la WSIB à l’égard d’un processus d’élaboration de politiques sur les maladies professionnelles qui soit méthodique, transparent et fondé sur des preuves scientifiques de haute qualité.

Le cadre

  • décrit l’approche de la WSIB en matière d’élaboration et d’actualisation de règlements et de politiques sur les maladies professionnelles,
  • définit le pouvoir de la WSIB d’élaborer des directives politiques sur les maladies professionnelles aux termes de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail (la « LSPAAT »),
  • facilite la création et l’actualisation de directives politiques de manière claire pour favoriser un processus décisionnel rapide et homogène, et pour aider la WSIB à s’acquitter de ses obligations légales envers les parties du lieu de travail.

1.1. Contexte

En 1910, Sir William Meredith a été nommé chef d’une commission royale d’enquête sur la question de l’indemnisation des travailleuses et travailleurs en Ontario. Le rapport final de la commission royale, connu sous le nom de rapport Meredith, a été publié en 1913. Ensuite, une loi a été adoptée en vue de créer la Workmen’s Compensation Act en 1914.

Le rapport Meredith est connu pour avoir proposé que le régime d’indemnisation des travailleuses et travailleurs soit établi sur les principes de l’indemnisation sans égard à la responsabilité, de la responsabilité collective, de la sécurité des prestations, d’une compétence exclusive et d’une commission indépendante. Fait moins connu, le rapport Meredith recommandait également qu’un régime d’indemnisation des travailleuses et travailleurs offre un accès égal aux prestations en cas de lésions physiques ou de maladies industrielles (à présent appelées « maladies professionnelles »).

La LSPAAT intègre tous ces principes. Ainsi, une personne contractant une maladie professionnelle « en raison de la nature de son emploi » a droit aux mêmes prestations et services de la WSIB qu’une travailleuse ou un travailleur subissant une « lésion corporelle accidentelle ». Peu importe la demande de prestations, la question clé est de savoir s’il existe un lien de causalité entre l’emploi et la lésion ou la maladie. Lorsqu’une maladie professionnelle est réputée attribuable à la nature de l’emploi de la travailleuse ou du travailleur, elle est « reliée au travail ».

La détermination du lien de causalité est souvent complexe dans les demandes pour maladies professionnelles, car de nombreuses maladies résultent d’un large éventail de facteurs contributifs, tant professionnels que non professionnels. Dans le cas d’une maladie professionnelle à longue période de latence, les effets de ces facteurs contributifs peuvent prendre des années ou des décennies avant d’entraîner une maladie.

Pour remédier à ce problème, la WSIB s’appuie sur des preuves scientifiques, généralement tirées d’études publiées évaluées par des pairs, pour établir les maladies professionnelles, ainsi que pour les reconnaître dans les règlements et les politiques, lorsqu’il existe suffisamment de preuves pour le faire. Les preuves les plus convaincantes du lien entre l’exposition professionnelle et la maladie proviennent d’études épidémiologiques bien menées. Le rôle des preuves scientifiques dans l’élaboration des politiques sur les maladies professionnelles a été reconnu à plusieurs reprises en Ontario au cours des 40 dernières années par un certain nombre de rapports déterminants2. Le modèle actuel d’examen des preuves scientifiques est ancré dans le rapport final du président du Comité consultatif des maladies professionnelles3. Il s’agit d’un rapport recommandant de s’appuyer sur les preuves scientifiques disponibles pour élaborer les règlements et les politiques, tout en continuant d’évaluer les preuves, ou encore de valider ou d’actualiser les directives politiques dans la mesure appropriée. Le rapport intitulé Utilisation de données et de principes scientifiques afin de déterminer les liens de causalité entre le cancer et le travail4 et celui portant sur la vérification d’optimisation du Programme des maladies professionnelles et des prestations de survivant5recommandent similairement d’exploiter les connaissances scientifiques grandissantes pour faciliter l’élaboration de politiques en matière de maladies professionnelles.

Lorsqu’il existe des preuves scientifiques solides et concordantes qu’une maladie est liée de manière causale à un facteur de risque professionnel particulier, notamment une exposition à une substance liée à un procédé, à un métier ou à une profession dans un secteur d’activité, elle peut être reconnue et inscrite dans un règlement ou une politique. Cette reconnaissance évite de répéter l’effort d’analyse des preuves scientifiques du lien de causalité dans le cadre de chaque demande, et permet de rationaliser le processus décisionnel pour simplifier l’établissement du lien de causalité avec le travail. Le cadre guide ces efforts visant à soutenir et à rationaliser le processus décisionnel.

2. Régime législatif et politique en matière de maladies professionnelles

2.1. Dispositions législatives

En Ontario, la première loi sur les accidents du travail est entrée en vigueur en 1915. À l’époque, seulement six maladies professionnelles étaient estimées indemnisables. Depuis, le régime d’indemnisation de l’Ontario a subi un certain nombre de réformes, faisant évoluer et élargissant le traitement des maladies professionnelles aux termes des dispositions législatives. La loi actuelle, la LSPAAT, s’applique aux accidents du travail survenus le 1er janvier 1998 ou après cette date. La WSIB applique également les lois sur les accidents du travail précédentes.

En tant que tribunal administratif, la WSIB tire tous ses pouvoirs et devoirs, explicitement ou implicitement, de la LSPAAT. En ce qui concerne les maladies professionnelles, les dispositions législatives définissent les paramètres d’une approche holistique consistant à définir et à reconnaître les maladies professionnelles ainsi qu’à habiliter la WSIB à reconnaître des maladies professionnelles, tant dans des règlements que dans des politiques. La LSPAAT

  • définit en cinq critères ce qu’est une maladie professionnelle6,
  • exige de surveiller les progrès scientifiques afin que les preuves reliant les expositions ou les processus professionnels aux maladies se reflètent dans les directives politiques, s’il y a lieu7,
  • reconnaît certaines maladies professionnelles dans ses dispositions,
  • définit les pouvoirs permettant de reconnaître les maladies professionnelles dans les règlements et les politiques8, et
  • indique clairement qu’une personne contractant une maladie professionnelle en raison de la nature de son emploi a droit aux mêmes prestations et services de la WSIB qu’une travailleuse ou un travailleur subissant une lésion corporelle accidentelle9.

2.2. Règlements : présomptions et annexes

Les règlements ont force de loi, mais doivent être autorisés par une disposition particulière de la loi. Conformément à la LSPAAT et sous réserve de l’approbation de la lieutenante-gouverneure ou du lieutenant-gouverneur en conseil, tant le gouvernement de l’Ontario que la WSIB ont le pouvoir de créer des règlements. Ceux créés par la WSIB exigent une collaboration avec le gouvernement.

Aux termes de la LSPAAT, les règlements peuvent servir à reconnaître les maladies professionnelles de diverses manières. Cependant, ces dernières années, ils ont été utilisés pour établir des présomptions de lien de causalité avec le travail. Une présomption vise à reconnaître le lien de causalité entre le travail et une maladie professionnelle ainsi qu’à simplifier le rassemblement des preuves nécessaires pour déterminer la recevabilité d’une demande.

Le gouvernement peut promulguer des règlements distincts, comme le règlement lié aux cancers chez les pompières et pompiers (Règlement de l’Ontario 253/07), qui reconnaît qu’un certain nombre de cancers sont présumés être liés au travail en raison de la nature de l’emploi de pompière ou pompier, et qui établit les critères d’application de la présomption.

Avec le concours du gouvernement, la WSIB peut choisir d’exercer son pouvoir réglementaire pour reconnaître les maladies professionnelles dans les annexes 4 et 3 des Dispositions générales (Règlement de l’Ontario 175/98). Les annexes énumèrent les maladies professionnelles présumées être liées au travail quand une personne en contracte une en travaillant dans le processus correspondant.

Les présomptions liées aux maladies professionnelles aux termes des deux annexes tiennent compte des preuves scientifiques solides et concordantes du lien entre un processus professionnel et une maladie. Les constatations scientifiques sont analysées en même temps que les exigences législatives, les principes juridiques et les considérations politiques appropriés pour déterminer s’il convient de reconnaître une maladie professionnelle dans les règlements.

L’annexe 4 établit une présomption irréfutable de lien de causalité avec le travail. Dans ces situations, les preuves scientifiques montrent que, dans presque tous les cas, l’apparition de la maladie est liée à une cause unique et associée à un processus de travail. Par exemple, un mésothéliome attribuable à une exposition à de l’amiante satisfait à ce critère.

L’annexe 3 établit une présomption réfutable de lien de causalité avec le travail. Dans ces situations, les preuves scientifiques sont à l’appui d’un lien pluricausal avec la maladie, l’une des causes étant la profession. Cela permet de reconnaître que d’autres causes jouent un rôle et que, dans certains cas, elles peuvent en définitive être la cause la plus probable de la maladie. Dans ces cas, la personne décideuse peut réfuter la présomption quand elle peut prouver que la travailleuse ou le travailleur n’a pas contracté la maladie en raison de la nature de son emploi. Si les preuves scientifiques montrent que le risque de maladie n’est élevé que dans certains processus et que ces processus peuvent être facilement décrits, ils sont pris en compte pour une inscription à l’annexe 3. Par exemple, la tuberculose liée aux processus du secteur de la santé répond à ce critère.

2.3. Politique opérationnelle

La WSIB a le pouvoir d’élaborer des politiques en vertu de sa loi applicable et de ses règlements d’application. La LSPAAT définit ce pouvoir explicitement dans l’article 159 et implicitement dans diverses autres dispositions.

Les politiques sur les maladies professionnelles servent à reconnaître des maladies professionnelles et de rationaliser le processus décisionnel lié à l’admissibilité initiale en fournissant des critères et des instructions aux personnes décideuses afin de favoriser un processus décisionnel rapide et homogène.

Similairement aux annexes 3 et 4, les politiques tiennent compte des preuves scientifiques solides et concordantes du lien entre un facteur de risque professionnel et une maladie. En général, une politique prévoit une maladie professionnelle lorsque les preuves scientifiques manquent de précision pour établir un processus de travail en vue de l’inscription à une annexe, ou lorsque l’incidence de la maladie au sein d’une profession, d’un métier ou d’une industrie n’est pas assez importante pour justifier une présomption.

Les constatations scientifiques sont analysées en même temps que les exigences législatives, les principes juridiques et les considérations politiques appropriés pour déterminer s’il convient de reconnaître une maladie professionnelle dans les politiques. Comparativement à l’inscription d’une maladie à une annexe, l’élaboration d’une politique offre une approche plus flexible pour établir des lignes directrices générales aux fins du processus décisionnel. Les politiques peuvent mettre l’accent sur des niveaux d’exposition, des périodes de latence, des catégories professionnelles et des sous-groupes précis afin de faciliter la prise de décision lorsqu’il est impossible de définir un processus de travail pour justifier l’inscription à une annexe.

Remarque : Tout au long du présent cadre, les références aux annexes et aux politiques seront désignées par l’expression « directives politiques ».

2.4. Reconnaissance d’une maladie professionnelle

Comme susmentionné, lorsqu’il existe des preuves scientifiques solides et concordantes qu’une maladie est liée de manière causale à un facteur de risque professionnel particulier, notamment une exposition à une substance liée à un procédé, à un métier ou à une profession dans un secteur d’activité, la WSIB peut la reconnaître dans un règlement ou une politique. La reconnaissance d’une maladie professionnelle de cette manière simplifie le processus décisionnel en évitant les efforts répétés d’obtention et d’analyse des preuves scientifiques et d’autres preuves du lien de causalité dans le cadre de chaque demande. Cette reconnaissance répond à la question de savoir si une lésion ou une maladie est une maladie professionnelle aux termes de la LSPAAT, mais elle peut également définir d’autres directives visant à simplifier la détermination du lien de causalité avec le travail par l’entremise de présomptions ou d’autres critères politiques.

3. Élaboration de politiques sur les maladies professionnelles

La WSIB s’est engagée à s’assurer que les directives politiques en matière de maladies professionnelles reposent sur les objectifs fondamentaux de la LSPAAT, et reflètent les meilleures preuves scientifiques disponibles et les commentaires de toute partie prenante et(ou) personne spécialiste pertinente. En outre, elle s’est engagée à surveiller continuellement l’évolution des preuves scientifiques qui peuvent être pertinentes pour comprendre le lien entre des facteurs de risque professionnels et des maladies.

Elle respecte ces engagements grâce aux étapes du processus d’élaboration de politiques sur les maladies professionnelles, que nous décrivons ci-dessous. Les directives politiques élaborées et mises en œuvre dans le cadre de ce processus

  • seront basées sur les preuves et claires aux parties utilisatrices,
  • seront équitables, efficaces et pratiques, et leur application se fera avec rapidité, transparence et cohérence,
  • seront alignées sur l’orientation stratégique, et
  • seront financièrement responsables et assurer la viabilité à long terme du régime.

Processus d’élaboration de politiques sur les maladies professionnelles

Processus d’élaboration de politiques sur les maladies professionnelles

Les consultations peuvent avoir lieu à diverses étapes du processus d’élaboration.

3.1. Détermination des questions

Les questions de politique relatives aux maladies professionnelles sont celles qui concernent la relation entre une maladie, ou un groupe de maladies, et un ou plusieurs facteurs de risque professionnels. La WSIB surveille les questions de politique sur les maladies professionnelles de manière continue. Elle établit ces questions de plusieurs façons, notamment par la surveillance régulière de la littérature scientifique, conformément à la LSPAAT.

Voici les principales sources de questions potentielles :

  • le régime de sécurité professionnelle et d’assurance contre les accidents du travail : les questions provenant de cette source peuvent découler de changements législatifs ou réglementaires, de commentaires de parties prenantes externes, de la table consultative scientifique sur les maladies professionnelles de la WSIB, de décisions pertinentes du TASPAAT ou du tribunal, de tendances des données issues des demandes à la WSIB et de l’établissement d’une cohorte de demandes chez un seul employeur ou au sein d’un secteur d’activité;
  • le système de santé et de sécurité au travail : les questions provenant de cette source peuvent découler d’efforts préventifs du gouvernement en lien avec les lésions et maladies professionnelles, de centres de recherche, notamment l’Institut de recherche sur le travail et la santé, le Centre de recherche sur le cancer professionnel (le « CRCP ») et le Centre d’expertise en recherche sur les maladies professionnelles, ainsi que de tendances des données de surveillance (p. ex., rapports du Système de surveillance des maladies professionnelles);
  • les communautés scientifiques et d’indemnisation des travailleuses et travailleurs au sens large : les questions provenant de cette source peuvent découler d’analyses de la littérature scientifique, d’études d’organismes réputés, notamment le Centre international de Recherche sur le Cancer (le « CIRC »), le National Institute for Occupational Safety and Health (le « NIOSH »), les National Academies of Sciences, Engineering and Medicine (les « NASEM »), et d’autres régimes d’indemnisation des travailleuses et travailleurs.

Les questions sont ciblées pour une enquête plus approfondie lorsque la WSIB prend connaissance d’un éventuel lien entre un facteur de risque professionnel et une maladie, ou lorsqu’elle est mise au fait d’importantes nouvelles données scientifiques concernant une politique existante en matière de maladies professionnelles ou une maladie professionnelle inscrite à une annexe.

3.2. Priorisation et établissement du calendrier

Chaque année, la WSIB publie un calendrier des politiques décrivant les éléments de politiques, notamment les questions liées aux maladies professionnelles, qu’elle prévoit examiner au cours de la prochaine année. Ce calendrier des politiques peut recenser les nouveaux projets de politiques et fournir des nouvelles sur ceux en cours.

L’évaluation des questions relatives aux maladies professionnelles en vue de leur inclusion dans un calendrier commence par l’examen et le classement de toutes les questions cernées et surveillées par la WSIB. Aux fins du classement, la WSIB tient compte des facteurs de priorisation de la politique générale et de ceux propres aux maladies professionnelles. Voici certains facteurs de priorisation pertinents :

  • l’harmonisation avec les dispositions législatives ou réglementaires;
  • un changement connu dans l’état des preuves scientifiques du lien entre la maladie et le facteur de risque professionnel.
  • les tendances liées aux décisions du TASPAAT et les décisions judiciaires;
  • les commentaires des parties prenantes externes;
  • le fardeau de la maladie en Ontario (c.-à-d. incidence et prévalence);
  • le nombre de demandes auprès de la WSIB relativement à la maladie;
  • les considérations administratives ou opérationnelles;
  • l’orientation et les priorités stratégiques organisationnelles;

Une fois l’exercice de priorisation terminé, la WSIB détermine le nombre et la combinaison des nouveaux éléments qu’elle peut possiblement assumer au cours de l’année ou des années à venir, en tenant compte du travail reporté des années précédentes, du travail récurrent et des questions imprévues hautement prioritaires.

Les échéanciers des projets de politiques en matière de maladies professionnelles peuvent varier considérablement en fonction de la nature de la maladie. Cela est dû en grande partie au délai nécessaire pour rassembler et examiner les preuves scientifiques. Il n’est pas rare que la collecte de preuves prenne plus d’un an et, dans certains cas, plusieurs années, et qu’elle soit suivie d’une analyse et de l’élaboration ou de la révision de directives politiques.

Dans certains cas, la WSIB est susceptible de consulter des parties prenantes externes et(ou) des spécialistes en la matière afin de déterminer les questions à traiter dans les années à venir.

3.3. Recherche et analyse

Lors de la phase de recherche, les questions liées aux politiques sur les maladies professionnelles sont formulées de manière claire afin d’élaborer la question de recherche à laquelle répondre. Une question de recherche appropriée permet de circonscrire le domaine d’étude, de procéder à un examen complet de la littérature scientifique et, possiblement, de recueillir d’autres renseignements politiques pertinents. Pour aider à déterminer et à préciser la question de recherche, la WSIB peut demander l’avis de spécialistes internes en la matière, ainsi que celui de la table consultative scientifique sur les maladies professionnelles.

Collecte des preuves scientifiques

Les preuves scientifiques sont collectées en vue de répondre à la question de recherche. En général, la WSIB cherche à savoir s’il existe un lien de causalité entre la maladie en question et un facteur de risque professionnel, par exemple si les processus de travail impliquant une exposition à l’amiante sont liés au cancer du poumon.

La WSIB s’appuie habituellement sur une méthode de recherche appelée « examen systématique » pour recueillir les preuves de la plus haute qualité possible afin de déterminer un lien de causalité. Un examen systématique bien mené fait appel à des méthodes rigoureuses de collecte et d’évaluation critique des preuves scientifiques pertinentes. Ce type d’examen vise à recueillir, à analyser et à synthétiser les preuves pour évaluer le lien entre un facteur de risque professionnel et une maladie. Dans tous les cas, l’examen scientifique est également soumis à un examen par les pairs afin d’en vérifier la validité et la qualité.

Qu’est-ce qu’un examen systématique?

Il s’agit d’un examen qui vise à étudier une question de recherche clairement formulée en faisant appel à des méthodes systématiques et reproductibles pour trouver, sélectionner et évaluer de manière critique toutes les études scientifiques pertinentes ainsi que pour collecter et analyser les données des études examinées. Les méthodes utilisées visent à limiter les biais et à assurer la reproductibilité des résultats. Des méthodes statistiques, notamment des méta-analyses, sont utilisées, s’il y a lieu, pour analyser et résumer les résultats des études examinées.

La WSIB s’appuie sur cette méthodologie existante, car il est largement admis dans le milieu de la recherche qu’il existe une hiérarchie des preuves, les examens systématiques et les méta-analyses étant considérés comme les preuves de la plus haute qualité, au-dessus des études observationnelles, tandis que les avis de spécialistes et les preuves anecdotiques, par exemple, représentent des preuves de moindre qualité10. Des organismes tels que l’Organisation mondiale de la Santé, Santé Canada et WorkSafeBC s’appuient régulièrement sur des examens systématiques pour garantir l’accès à preuves de haute qualité.

La WSIB n’a pas toujours besoin de procéder à un nouvel examen systématique. Si l’existe déjà des preuves scientifiques actuelles, pertinentes, de haute qualité et évaluées par les pairs, la WSIB peut décider, avec le concours de sa table consultative scientifique sur les maladies professionnelles, de s’y fier au lieu de procéder à un nouvel examen systématique11. Les preuves scientifiques existantes de haute qualité peuvent comprendre des examens systématiques, des recherches effectuées par un organisme réputé (p. ex., le CRCP, le NIOSH, le CIRC ou d’autres commissions des accidents du travail) ou d’études de haute qualité, ou encore une combinaison de ces preuves.

Cette approche en matière de collecte de preuves scientifiques permet à la WSIB de bénéficier des meilleures preuves scientifiques disponibles, en temps voulu, pour faciliter son analyse des questions sur les maladies professionnelles aux fins de l’élaboration de politiques.

Collecte d’autres renseignements liés aux politiques

Outre les preuves scientifiques, la WSIB collecte d’autres renseignements pertinents pour évaluer tous les aspects de questions sur les maladies professionnelles ainsi que pour faciliter l’élaboration de politiques. Ces renseignements comprennent notamment ce qui suit :

  • les considérations juridiques et tendances en matière de contestation;
  • les commentaires internes et externes existants;
  • les approches d’autres régimes d’indemnisation des travailleuses et travailleurs sur la même question ou une question similaire, et leur fondement;
  • les pratiques et résultats actuels concernant le traitement des demandes à la WSIB pour la maladie;
  • les antécédents économiques et industriels de l’Ontario afin de trouver les anciennes expositions professionnelles pertinentes pour la maladie, de reconnaître les lieux de travail à risque pour cette maladie et de comprendre les prévisions quant au nombre de demandes découlant des expositions dans ces lieux de travail.

Analyse

Une fois les preuves rassemblées, la WSIB examine les preuves scientifiques pertinentes et d’autres considérations politiques pour évaluer s’il est justifié d’élaborer ou de réviser des directives politiques.

Si la maladie n’est pas une maladie professionnelle reconnue, c.-à-d. qu’elle ne fait pas l’objet d’une inscription à une annexe ou d’une politique existante, ou qu’elle n’est pas reconnue officiellement par la WSIB comme une maladie professionnelle, la WSIB examine si les conclusions de l’examen systématique permettent d’établir un lien de causalité entre les facteurs de risque professionnels et la maladie.

Dans la phase d’analyse, la WSIB s’appuie sur les expertises scientifique et politique pour interpréter les preuves scientifiques. Lorsqu’il s’agit de décider s’il faut reconnaître une maladie professionnelle, il est important de reconnaître qu’un ensemble d’études ne produit pas une seule mesure de lien, mais plutôt une gamme de résultats à prendre en compte. Les analystes des politiques peuvent faire face à des problèmes tels que la manière d’évaluer des renseignements scientifiques qui peuvent être contradictoires ou inconcluants, ou qui sont basés sur des résultats d’expositions incomparables aux lieux de travail de l’Ontario.

Lorsqu’un lien de causalité est confirmé, la WSIB tient compte de la définition légale de « maladie professionnelle », de la solidité et de la cohérence des preuves scientifiques de la causalité ainsi que de toute autre considération juridique et politique pertinente pour déterminer si elle doit reconnaître la maladie comme une maladie professionnelle.

Lorsque les résultats des phases de recherche et d’analyse justifient la reconnaissance d’une maladie professionnelle, la WSIB doit déterminer la solution la plus appropriée, soit l’inscription à une annexe ou l’élaboration d’une politique opérationnelle, en tenant compte des seuils établis.

3.4. Reconnaissance d’une maladie professionnelle : annexe ou politique

Il existe une hiérarchie d’options politiques pour reconnaître une maladie professionnelle dans un règlement ou une politique. Les trois options exigent toutes des preuves scientifiques solides et concordantes d’un lien de causalité. Elles fournissent une gamme d’options pour refléter l’importance du lien et visent à simplifier le processus décisionnel lorsque les preuves confirment la forte probabilité que la maladie soit liée au travail12.

Les preuves scientifiques sont en général « solides et concordantes » quand de multiples (c.-à-d. deux ou plus) études de haute qualité révèlent un lien statistiquement important entre un facteur de risque professionnel et une maladie. Une mesure de lien (p. ex., le risque relatif) correspondant à au moins deux est un indicateur commun d’un fort lien. Cependant, la WSIB peut reconnaître la suffisance d’une conclusion correspondant à moins de deux, mais à plus d’un, lorsque plusieurs études de haute qualité révèlent une importance similaire d’excès de risque.

Approche politique Preuves scientifiques Causalité Comment l’approche politique rationalise-t-elle les décisions?

Annexe 4

Preuves scientifiques de haute qualité permettant de conclure de manière solide et concordante à l’existence d’un lien de causalité.

Une seule cause professionnelle ou un seul facteur de risque professionnel.

Constatation irréfutable d’un lien de causalité entre le facteur de risque professionnel et la maladie.

Lien de causalité accepté. Présomption irréfutable de lien de causalité avec le travail.

Décision exigeant peu ou pas de renseignements additionnels.

Annexe 3

Causes multiples professionnelles et non professionnelles.

Fort lien de causalité.

Taux de maladie élevé au sein d’un groupe défini de travailleuses et travailleurs.

Lien de causalité accepté. Présomption réfutable de lien de causalité avec le travail.

Décision exigeant probablement peu de renseignements additionnels.

Politique opérationnelle

Une ou plusieurs causes.

Fort lien de causalité, mais impossibilité d’établir avec précision un groupe de travailleuses et travailleurs ou un processus.

Lien de causalité accepté. Aucune présomption de lien de causalité avec le travail.

Politique contenant des renseignements additionnels sur l’exposition, la période de latence et d’autres critères, notamment la profession, le secteur d’activité ou le processus, pour faciliter le processus décisionnel lié au lien de causalité avec le travail.

La WSIB tient compte des seuils suivants en choisissant l’approche stratégique appropriée pour une maladie professionnelle13 :

Seuil d’inscription à l’annexe 4

Il est possible d’inscrire une maladie à l’annexe 4 lorsque des preuves scientifiques solides et concordantes montrent que, dans presque tous les cas, l’apparition de la maladie est liée à une cause unique et associée à un facteur de risque professionnel.

Étant donné que la présomption d’inscription à l’annexe 4 est irréfutable, il ne devrait y avoir que peu ou pas de preuves d’exposition non professionnelle l’emportant sur l’exposition professionnelle dans des demandes individuelles dans la pratique.

Seuil d’inscription à l’annexe 3

Il est possible d’envisager d’inscrire une maladie à l’annexe 3 lorsque des preuves scientifiques solides et concordantes confirment un lien pluricausal avec la maladie, dont une ou plusieurs causes constituent un facteur de risque professionnel.

L’inscription à l’annexe 3 est appropriée lorsque les preuves scientifiques montrent que le risque de maladie est accru dans certains processus professionnels (c.-à-d., des sous-groupes à haut risque) et que les processus peuvent être clairement articulés. Cependant, si le caractère professionnel de demandes individuelles est souvent réfuté, parce que la maladie est courante dans la population générale et souvent attribuable à des facteurs de risque non professionnels, la politique opérationnelle peut être l’outil le plus approprié à utiliser.

Seuil d’élaboration d’une politique opérationnelle

Il est possible d’élaborer une politique opérationnelle lorsque des preuves scientifiques solides et concordantes confirment un ou plusieurs liens de causalité avec la maladie, dont au moins une cause est un facteur de risque professionnel.

Les politiques se concentrent généralement sur les situations où le lien est susceptible d’être pertinent dans de nombreux contextes professionnels plutôt que d’être lié à un seul processus identifiable. Pour favoriser une approche plus flexible, les politiques peuvent prévoir des sous-groupes, des niveaux d’exposition, des périodes de latence minimales et des catégories professionnelles qui ne répondent pas aux exigences d’inscription.

Seuils non atteints pour l’inscription à une annexe ou l’élaboration d’une politique ne sont pas atteints

Lorsque les preuves scientifiques sont inconcluantes ou trop divergentes pour atteindre les seuils d’inscription aux annexes ou le seuil d’élaboration d’une politique, la WSIB peut élaborer des documents d’appui résumant les preuves scientifiques, qu’une personne décideuse peut utiliser dans le cadre du traitement de demandes individuelles, au cas par cas. Lorsqu’il s’agit de déterminer l’admissibilité initiale dans le cadre de telles demandes, les personnes décideuses rassemblent et évaluent toutes les preuves disponibles, notamment les preuves médicales ou scientifiques, les antécédents professionnels, les antécédents d’exposition et les renseignements personnels pertinents.

3.5. Rédaction

S’agissant des annexes, le processus de rédaction consiste à décrire la maladie et le processus correspondant qui donne lieu à une présomption de lien de causalité avec le travail. La rédaction d’une nouvelle inscription à une annexe ou la révision d’une inscription exige une collaboration avec le gouvernement, car une modification d’annexe nécessite au final une modification réglementaire.

S’agissant d’une politique opérationnelle, le processus de rédaction est plus complexe et comprend généralement des critères d’admissibilité plus étendus et nécessaires au processus décisionnel lorsqu’un processus de travail ne peut être clairement défini, comme l’exposition, la période de latence, la variété des cadres professionnels ou des secteurs d’activité.

3.6. Mise en œuvre

La WSIB entreprend un certain nombre d’activités qui précèdent la mise en œuvre d’une inscription à une annexe ou la publication d’une politique. Il peut s’agir de la mise à jour de systèmes, de la formation du personnel de et la publication de renseignements sur son site Web afin de communiquer les changements aux parties prenantes et aux parties du lieu de travail. Ces activités garantissent la mise en œuvre harmonieuse et sans faille des nouvelles directives politiques ou de celles révisées.

3.7. Surveillance des preuves et actualisation des directives politiques

La WSIB surveille continuellement l’évolution des preuves scientifiques qui peuvent être pertinentes pour comprendre le lien entre des facteurs de risque professionnels et des maladies. La recherche continue de la communauté scientifique signifie que de nouvelles preuves scientifiques peuvent apparaître, lesquelles n’existaient pas au moment de la dernière révision d’une question de politique en matière de maladies professionnelles.

En général, la WSIB cerne qu’elle a l’occasion d’actualiser les directives politiques quand elle est mise au fait d’importantes nouvelles preuves scientifiques concernant une maladie professionnelle inscrite à une annexe ou faisant l’objet d’une politique. Elle suit ensuite les processus d’élaboration des politiques susmentionnés pour déterminer s’il faut examiner une question de politique professionnelle et, s’il y a lieu, actualiser les directives politiques.

Toute révision des directives politiques doit tenir compte de l’ensemble des preuves scientifiques, notamment de toute nouvelle preuve depuis l’élaboration ou la dernière révision des directives politiques. Cela peut nécessiter d’actualiser les critères d’admissibilité dans une politique ou d’améliorer une politique relativement à l’inscription d’une maladie à une annexe lorsque les preuves du lien de causalité sont devenues plus solides. Lorsque les preuves deviennent contradictoires ou moins tangibles, les preuves scientifiques existantes peuvent ne plus étayer les directives politiques.

4. Consultation

La WSIB peut consulter des parties prenantes et(ou) des spécialistes à n’importe quelle phase ou à plusieurs phases du processus.

En règle générale, les consultations ont lieu lors des phases Détermination des questions, Priorisation et établissement du calendrier, et Recherche et analyse. Au cours de ces phases, la contribution des parties prenantes et des spécialistes peut faciliter la détermination ou la priorisation des nouvelles questions politiques en matière de maladies professionnelles, tandis que les conseils des spécialistes visent à soutenir la collecte et l’interprétation des preuves scientifiques au cours de la phase de recherche.

La WSIB reconnaît et apprécie les avantages de la consultation durant le processus d’élaboration des politiques. La contribution des parties prenantes et des spécialistes facilite l’élaboration de directives politiques en matière de maladies professionnelles qui sont actuelles, fondées sur les preuves et reconnues légitimes par les personnes concernées.

Les consultations sur des questions de politique relatives aux maladies professionnelles sont généralement ciblées en raison de leur complexité. Une consultation ciblée vise à obtenir les commentaires d’un certain groupe d’entreprises ou de travailleuses ou travailleurs, ou encore de personnes ou d’organismes disposant de l’expertise pertinente ou de connaissances spécialisées.

Lorsqu’il s’agit de consulter des parties prenantes et(ou) des personnes spécialistes, la WSIB détermine celles pertinentes et la ou les méthodes de consultation, qui peuvent varier en fonction de la question et de l’échéancier du projet, ainsi qu’en fonction de sa capacité et de ses ressources et de celles des parties contributrices.

Les parties prenantes et les personnes spécialistes pertinentes que la WSIB peut consulter au cours du processus d’élaboration de politiques en matière de maladies professionnelles sont les suivantes :

  • des parties du lieu de travail, notamment des travailleuses ou travailleurs, des survivantes ou survivants, des entreprises, et leurs représentantes ou représentants;
  • la table consultative scientifique sur les maladies professionnelles de la WSIB, et
  • des personnes ou des organismes possédant une expertise ou des connaissances spécialisées pertinentes, telles que des connaissances scientifiques, cliniques et techniques.

Dans certaines circonstances, la WSIB peut décider qu’une consultation est inutile, notamment parce que le gouvernement apporte une modification à la LSPAAT ou à un règlement connexe. Elle doit alors veiller à ce que les politiques soient conformes à la loi et agir pour procéder à toute révision de politiques en vue d’atteindre cet objectif aussi rapidement que possible.

5. Conclusion

La WSIB surveille continuellement l’évolution des preuves scientifiques pour mieux comprendre les liens de causalité entre des facteurs de risque professionnels et des maladies. Lorsque les preuves le justifient, et conformément à son pouvoir législatif, la WSIB peut reconnaître une maladie professionnelle en l’inscrivant à une annexe ou par l’entremise d’une politique. Le présent cadre guide la WSIB dans ces activités et garantit que le processus d’élaboration des politiques est à la fois transparent et fondé sur des preuves scientifiques de haute qualité.

1 Par souci de clarté, nous précisons que le présent cadre ne s’applique pas au traitement de demandes individuelles.

2TORONTO. MINISTÈRE DU TRAVAIL. Reshaping workers’ compensation for Ontario, préparé par Weiler Paul, 1980.ONTARIO. Protecting the Worker from Disability: Challenges for the Eighties, un rapport soumis au ministre du Travail, l’honorable Russell G. Ramsey, et rédigé par Weiler Paul, avril 1983. ONTARIO. New Directions for Workers’ Compensation Reform, rédigé par Cam Jackson, ministre chargé de réformer l’indemnisation des travailleuses et travailleurs, juin 1996. ONTARIO. IMPRIMEUR DE LA REINE POUR L’ONTARIO. Un financement équitable : Rapport sur le régime de sécurité professionnelle et d’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario, rédigé par Harry W. Arthurs, 2012. 

3 WSIB. Final Report of the Chair of the Occupational Disease Advisory Panel (rapport final du président du Comité consultatif des maladies professionnelles), rédigé par Smith, Brock, février 2005.    

4CENTRE DE RECHERCHE SUR LE CANCER PROFESSIONNEL. SANTÉ ONTARIO. Utilisation de données et de principes scientifiques afin de déterminer les liens de causalité entre le cancer et le travail, rapport final, rédigé par Demers, P.A., 2020.

5 WSIB. Rapport de la vérification d’optimisation du Programme des maladies professionnelles et des prestations de survivant, préparé par KPMG, 2019.

6 Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, article 2.

7 Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, article 161.

8 Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, articles 183 et 159.

9 Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, article 15.

10 GUYATT, GH. SACKETT, DL. SINCLAIR, JC. HAYWARD, R. COOK, DJ. COOK, RJ. « Users’ guides to the medical literature. IX. A method for grading health care recommendations », JAMA, vol. 274 (1995), p. 1800-1804.

11 « Haute qualité » en ce qui concerne des facteurs tels que la conception de l’étude, la méthodologie et la déclaration des résultats.

12 La hiérarchie des options et les seuils proviennent du rapport final du président du Comité consultatif des maladies professionnelles. Voir la 3e note de bas de page un peu plus haut.

13 Par souci de clarté, nous précisons que ces seuils ne s’appliquent pas au traitement de demandes individuelles, au cas par cas.